Entre tourisme et agriculture

Publié le par Julien

Depuis 1 mois maintenant je me suis arrêté à La Asunta, municipalité du Sud Yungas, province située au Nord de La Paz. Municipalité très étendue regroupant prés de 360 communautés de paysans. Ma venue ici est issue de rencontres interposées et de l'intérêt pour Reynaldo Calcina, maire de La Asunta, de soutenir un projet de tourisme. Une rencontre entre découverte culturelle et agricole et coopération.


    

L'agriculture


La Asunta est une municipalité récente, bien que des traces et vestiges laisse penser que des populations avaient vécues ici bien avant, datant éventuellement de l'époque Incas ou pré-incas. Des mines d'extraction d'or dateraient de l'époque des colons. La Asunta s'est créée vers la fin des années 1920 par l'arrivée de mineurs venus de Potosi, Oruro... travailler la terre à La Asunta. En effet cette région du Sud Yungas est productrice de coca depuis de nombreuses années, certainement depuis l'époque incas. La feuille de coca est un produit traditionnel et se consomme partout en Bolivie. Bien que le prix de la coca ne soit pas fixe il assure le revenu de chaque famille. Et lorsqu'il est trop bas, les paysans ne récoltent pas les feuilles, attendant que le prix redevienne correct. Car pourquoi travailler pour rien ? La coca, bien qu'ancestral, pose de nombreux problème aujourd'hui. Comme je l'ai dit dans l'article « Histoire d'une petite feuille » cette production utilise des quantités importantes de produits chimiques, notamment pour protéger les feuilles des chenilles. Elle participe également à la déforestation afin de dégager des parcelles cultivables. Seulement cela se fait en brulant la végétation ce qui acidifie le sol et provoque l'érosion du sol. Quelques années plus tard, lorsque les rendements auront diminués, du fait de l'assèchement, de l'érosion, de l'utilisation des produits chimique et du brûlis, les paysans partiront à la recherche d'un nouveau milieu, le défrichant, le cultivant... Enfin la monoculture de la coca est l'un des problèmes forts de La Asunta. Etant la rente des familles, la culture de cette feuille est devenue peu à peu l'unique production de beaucoup de paysans, afin de vivre plus correctement en gagnant plus d'argent. Les paysans sont de fait dépendants de la coca et de son prix, mais doivent de plus acheter l'ensemble de l'alimentation familiale, créant bien souvent une mauvaise alimentation, basée uniquement sur le riz, le poulet et les pommes de terre.


Cependant j'ai pu rencontrer quelques paysans et un ingénieur agronome dans une démarche tout autre. Certains de ces paysans ont diversifié leur production par la estevia (plante dont les feuilles séchées ont un goût sucré, très conseiller pour les diabétiques) le cacao, les fruits comme la mandarine, l'orange, les citrons, bananes, ananas, mais également les légumes, poissons... ou encore le café. Pour ce dernier produit on retrouve de grands producteurs en monoculture également avec un Syndicat et des dirigeants qui, au dire de certains, ne paieraient les paysans qu'un an après la récolte, leur permettant de placer l'argent et de faire de gros bénéfices. La diversification agricole n'a pas supprimé la coca. Elle a seulement remplacé une partie de celle-ci, qui reste tout de même l'activité lucrative de la famille, la majorité des autres productions étant pour la consommation personnelle. Cette diversification s'accompagne d'une réflexion sur la production organique. Zapata, ingénieur agronome, travaillant une partie de la semaine à La Asunta, développe dans son laboratoire un champignon capable de tuer les larves de chenilles dévoreuses de la feuille de la coca, alternative aux produits chimiques. Ce même Zapata vient également en soutien aux autres paysans et en parlant de produits utilisés ici, il m'a fait cette réflexion : « Disculpe Julien, pero sabes, aqui tenemos toda la mierda prohibida en Europa » signifiant « Excuses-moi Julien, mais tu sais, ici nous avons toute la merde interdite en Europe » ce qui se passe de commentaire je crois. De part le monde voici les nouveaux terrains de jeu des entreprises d'agro-toxiques !


Reynaldo Calcina, lors d'inauguration au sein de communautés évoquent également le problème de la coca et de l'intérêt pour les paysans de s'orienter vers la production de la coca organique tout en diversifiant leur production. Le problème aujourd'hui est qu'il n'y a pas de certification de la coca écologique ce qui ne permet pas aux paysans entrant dans cette démarche de valoriser cette production auprès des producteurs.



       

L'organisation à La Asunta


Ma présence ici m'a permis de voir et observer le rythme social et l'organisation de La Asunta. Cette dernière est appelée la capitale de la municipalité. En effet La Asunta se compose de deux Fédération délimitant son territoire et regroupant près de 360 communautés qui appartiennent à des cantons. Une communauté est un territoire délimité regroupant des familles de paysans. Chaque communauté possède son « conseil communautaire » composé généralement de 14 personnes dont le secrétaire général, le secrétaire de l'agriculture, des sports, des finances, de la justice... Cela ne signifie pas que le travail est collectif. Chaque famille possède sa propriété et produit ce qu'elle souhaite. Ce « conseil communautaire » organise la vie sociale, comme l'éducation, la santé, les sports... au sein de la communauté et représente l'ensemble de la population devant le conseil municipal de La Asunta. Les cantons quand à eux regroupent plusieurs communautés représentées au sein du « conseil cantonal » organisé plus ou moins comme le « conseil communautaire » Enfin l'ensemble de ces cantons se regroupent au sein de l'une des deux Fédérations de La Asunta. Cette organisation implique de nombreuse réunions, allant « des conseils communautaires » jusqu'au Conseil Municipal, représenté par l'Alcalde (Le Maire) Mais elles permettent une implication de chaque individu du territoire.


Pour avoir vécu un mois au sein de « La capital » la vie observée est assez intéressant. Le lundi est le jour de repos pour la majorité des habitants, faisant de La Asunta une ville presque inanimée. Le rythme est croissant jusqu'au vendredi, jour de « Feria » ou la grande partie des habitants des communautés viennent faire leur provisions, vendre leur production et s'amuser entre amis ! Le samedi et le dimanche sont les jours de départ vers les communautés pour se retrouver le lundi...



        
 

La coopération


Mais ma venue ici n'avait pas pour but unique l'observation sociale et agricole. Fruit de rencontres antérieures, Reynaldo Calcina, Maire de La Asunta, m'a sollicité afin de venir ici apporter mon regard sur un éventuel projet de tourisme. Une rencontre avec la coopération ? Au cours de ce mois d'avril je me suis proposé de réaliser une étude sur les potentialités d'un tourisme, mais au regard d'un tourisme solidaire et communautaire. Expérience riche d'enseignement, prouvant que la coopération n'est pas une action des plus évidentes, mêlant différences culturelles et compréhension linguistique ! En effet, dés les premiers jours ma présence était perçue et présentée comme représentant de l'Ambassade de France ou mandataire d'une association de tourisme française. Après un mois et demi d'espagnol, je me devais d'éclaircir cette situation afin de ne pas susciter des imaginations débordant la réalité. Mais après 3 semaines, cette situation n'est pas tout à fait claire, me présentant comme agriculteur, président d'association de paysans... et doit être expliquée pour chaque rencontre ! La question souvent posée est de l'ordre financier, si ma venue permettra de recevoir des fonds depuis la France. Comment pourrais-je l'assurer, dans le cadre de ce voyage personnel ? Mais cette aide financière est-elle une nécessité ? Les communautés n'ont-elles pas les ressources humaines et paysagères pour développer un tel projet ? Voilà toute la question et les explications depuis maintenant 3 semaines.


Cette coopération m'a également confronté aux réalités et désirs de chacun. Si pour les communautés, la découverte d'un tel potentiel pouvant leur permettre d'améliorer leur revenue et les infrastructures locales apparaît comme un intérêt certains, pour d'autres le tourisme me semble être une aubaine économique avant tout. Cela a été le cas avec le responsable du tourisme de la Municipalité. Son idéologie et ses convictions me laisse perplexe quand au développement du tourisme à La Asunta. Sa vision n'est autre que celui d'un tourisme de masse, où le touriste n'attend que du sensationnel et est perçu comme un portefeuille. Le touriste n'aurait comme objectif que la prise de photos lui permettant de conserver quelques souvenirs. Le sensationnel au service de sa personne ? Il est toujours plus facile de se valoriser lors d'un évènementiel que pour un travail de fond. J'ai peur aujourd'hui d'un développement touristique déconnecté des réalités, n'apportant aucun bénéfice, social et économique, aux communautés. Mon seul recours sera la réunion publique que j'ai sollicité afin d'exposer les données de l'étude en démontrant aux communautés et au Conseil Municipal l'intérêt d'un Tourisme Communautaire, géré et organisé par les communautés sans intervention politique de la municipalité.

 



 

Se confronter aux réalités et attentes de chacun et découvrir le réflexe premier d'une coopération économique souhaitée furent riche d'enseignement. Riche au niveau personnel, découvrant mes limites et mes capacités dans un tel cadre. Riche d'échanges avec ces paysans découvrant ensemble que la coopération d'expériences et techniques peut-être plus profitable que l'arrivée économique. Riche car depuis le début de ce voyage les rencontres étaient idéologiquement partagées !

Publié dans Bolivie

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J
La réunion n'a pas eu lieu. Date mal choisie? Desintérêt des paysans pour ce thème... Je ne le sais pas et je reste sur cette fin.Une petite discussion est lancé sur le forum dans la rubrique "Tourisme Solidaire et rural".Pour accèder à cette discussion cliquez ici :
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G
Salut Julien,Existe-t-il des ecrits sur des projets similaires, ou des projets touristiques qui ont "mal tourne", ou quelque chose qui pourrait appuyer ton argumentation lors de la rencontre du 30 avril? Car en ce moment je suis en train de lire un livre sur des experiences de projets touristiques dans le nord de la Thailande (je ne manquerai pas de citer quelques extraits et de donner la reference sur le forum du tourisme solidaire et rural que tu as mis en place : http://ecocyclette.strada.fr/forum_eco/viewforum.php?f=17 ). Ces temoignages sont eloquents et ce qui peut etre considere comme une amelioration des conditions de vie au depart grace a l'arrivee des touristes et de leur porte-monnaie peut veritablement tourner en cauchemar! Peut-etre qu'il serait interessant d'encourager les responsables a lire ce genre de these pour leur permettre d'ouvrir les yeux sur les consequences possible d'un tel projet.
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J
<br /> Bonjour Guillaume,<br /> et bien sincerement je ne sais pas si il en existe ici, mais certainement.<br /> je crois que la question est plus vaste et ne vient pas uniquement des dirigeants. L'histoire locale ici, les raisons qui ont poussé la majorite des personnes a venir habiter ici (la coca pour<br /> gagner de l'argent) et la vision europenne de tout developpement economique sont d'autres points. Il me faudrait plus d'un mois pour mieux comprendre. Je reste sur des hyppothese, suppositions...<br /> qui seait delicate de diffuser ici afin que les futurs lecteurs n'interpretent pas cela comme des faits.<br /> On peu entamer une discussion sur le forum sur ce sujet je pense que cela serait plus approprie.<br /> <br /> Amities.<br /> Julien<br /> <br /> <br />
A
Bonjour julien le Bolivien , Je viens de t'envoyer 1 message mais je crains qu'il ne te soit pas parvenu aussi je renouvelle mon courrier par ce biais . nous rentrons de vacances au pays basque avec enfants et petits enfants ; temps moyen .Aujourd'hui il pleut sur Trémont et nous avons toujours le chauffage .La coloc fonctionne toujours : 2 filles et 1 garçon  et toujours le même jardinier pour tondre leur pelouse !!!!!je constate qu'en Bolivie comme ailleurs l'argent est l"e nerf de la guerre" , je souhaite cependant que tes projets prennent forme , ouvre nous des pistes pour nos prochaines vacances !!!!!Bises A bientôt Annie et William  
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J
<br /> Effectivement je ne l'ai pas reçu.<br /> In ne change pas si facilement les bons jardiniers, c'est nomal!! Je vois qu'ol dit y avoir un garçon ravi à Trémonts!!<br /> Pour tes prochaines vacances à présents pas de problèmes, n'hésites pas à demander je te donnerai de bonne adresse sans problème!!<br /> <br /> Bises à tous.<br /> <br /> Julien<br /> <br /> <br />
G
Voila effectivement une experience tres riche d'enseignements. Entre le desir de profit immediat et la volonte de mettre en place un projet durable ou chacun trouverait son compte (paysans, communaute, touristes, et environnement), il semble y avoir un enorme fosse.Quelles vont etre maintenant les prochaines etapes? Comptes-tu nous faire part des avancees de ce projet?
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J
<br /> Bonjour Guillaume,<br /> difficile comme tu le dis mais je comprend ces derniers jours une partie du pourquoi. L'ugnorance que nous avions egalement en France il n'y a pas si longtemps sur le developpement du tourime<br /> cotier par exemple, ou sur les dechets et leur decomposition dans la nature... En discutant avec l'officier majeur de la mairie hier, nous avons discuté ensemble du projet, d'une descente de la<br /> riviere que nous avions fait dans l'apres-midi avec certains membres du personnel de la municipalite, pour inaugure "cette offre" touristiqu qu'il souhaite develpper egalement. Je lui ai dis ce que<br /> je pensais de leur acte collectif durant cette balade, jeter les cannettes de biere et sacs plastiques par dessus bord au fur a mesure des consommations. Sa reponse "pourquoi, c'est mal ?" n'avait<br /> rien d'ironique ou de moqueur, mais bien l'ignorance de tout cela...<br /> <br /> Donc je discute, je repete et radote ce que je pense, parlant du tourisme communautaire comme d'un projet global, social, agricole et environnemental. Je vais essaye de faire passer ce message<br /> jeudi 30 avril lors de la presentation de l'etude, il ne manquera que le vocabulaire pour cela mais on peut toujours se faire comprendre!<br /> <br /> Pour la suite du projet je vais peut-etre revenir vers la mi-septembre, apres le Perou et eventuellement je garde l'idee de revenir avant mon retour en France.<br /> <br /> A bientôt!<br /> Julien<br /> <br /> <br />