Histoire d'une petite feuille

Publié le par Julien

Cette petite feuille verte que beaucoup connaisse et dont la polémique perdure aujourd'hui. Vous souvenez-vous, il n'y a pas très longtemps, le président Bolivien, Evo Morales Ayma mâchait une de ces feuilles lors d'une réunion de la Commission des stupéfiants de l'ONU à Vienne ? Vous comprendrez alors qu'il s'agit bien évidemment de la feuille de coca !

L'article ci-dessous relate des discussions échangées avec des paysans mais également des recherches personnelles. Vous trouverez à la fin de cet article des liens intéressants pour approfondir l'information sur la feuille de la coca.

 

 

Les légendes incas attribuent l'origine de la coca au dieu Inti qui l'aurait créée pour apaiser la soif et la faim des Incas. La Mama coca serait, pour certains peuples andins, la fille de la Pacha Mama (Terre Mère). Selon l'histoire ancienne, la feuille de la coca aurait été réservée aux personnes de très aux rangs, considéré par les Incas comme plantes divines. Ce n'est qu'après l'arrivée des colons espagnols que la popularisation de la consommation de la coca s'est accélérée. Consommée dans les Andes depuis des milliers d'années, le cocaïer et la feuille de coca représente aujourd'hui une économie importante, souvent l'unique rente de cocaleros de Bolivie, Pérou ou encore Colombie, les principaux producteurs de coca. A partir des années 1970 et une forte hausse de demande de cocaïne venant des Etats-Unis a accéléré la plantation de cocaïer et la production de feuille de la coca.

 

Traditionnellement, les feuilles de coca séchées sont chiquées avec de la chaux afin d'atténuer le goût amer et augmenter l'effet stimulant, ou consommées en tisane, mais les deux ayant des effets limités. Bien que l'on connaisse plus facilement la mastication de la feuille de la coca son utilisation est variée. Elle est utilisée aujourd'hui pour la fabrication de crème, confiture, thé, rafraichissant, shampoing ... Quand à sa production elle a lieu en Bolivie majoritairement dans la région de Yungas au Nord du département de La Paz. Les feuilles se récoltent en moyenne tous les 3 mois et sont séchées au soleil, le matin de préférence jusqu'à midi afin de ne pas les « brûler ». Elles sont ensuite commercialisées telles quels, directement aux consommateurs, coopératives ou entreprises de transformation. On retrouve les plantations de cocaïer plus souvent en hauteur, sur les flans de montagne, car cette plante préfère les terrains humides et recherche la fraicheur. La culture de coca aurait un impact sur l'environnement, participant à la déforestation et utilisant massivement des substances chimiques tant dans sa production (insecticides et herbicides) que dans les opérations de transformation des laboratoires clandestins de fabrication de cocaïne (solvants utilisés lors des différentes étapes de préparation). Des centaines de milliers d'hectares de forêt ont été détruits en Bolivie, Colombie et Pérou, responsable de 90 % de la déforestation dans ces pays.

 

Mais cette petite feuille verte est également au cœur d'un débat, qui je le crois, est plus politique que de santé publique. En effet depuis 1961 la feuille de la coca est qualifiée d'illicite par les communautés internationales et une fois de plus par l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) le 5 mars dernier dans un nouveau rapport. Cette mystification de la feuille de coca vient du fait que de la coca, se réalise la cocaïne. Hors de nombreuse études et la composition de la feuille de coca démontre au contraire les bienfaits de cette plante.

La coca comporte 14 alcaloïdes ayant des propriétés pharmaceutiques intéressantes dont la cocaïne qui représente moins de 1% de sa composition. Pour réaliser de la cocaïne il faut utiliser par la suite 41 produits chimiques dans le procéder, 41 produits dont les brevets sont détenus par les pays du nord, principaux consommateurs de cocaïne. « On pourrait argumenter qu'on pénalise la coca parce qu'elle est à la source de la cocaïne. Mais que dire alors des différentes espèces d'éphédra, dont aucune n'apparaît dans les conventions internationales, en dépit du fait que l'éphédrine est la matière première d'un immense marché d'amphétamines ; ou encore de l'écorce de sassafras, à partir de laquelle est extrait le safrole, matière première de l'ecstasy ? » ont déclaré des chercheurs de l'institut « Transnational Institut » spécialisée dans l'analyse global des politiques menées contre les drogues.

Proscrite par les instances Internationales depuis 1961, la feuille de coca s'est vue interdire toute forme de production et de commercialisation hors de l'usage des pays producteurs, excepté l'industrie pharmaceutique américaine, afin de produire de la cocaïne à usage médicale (!) et la compagnie coca-cola. En effet celle-ci utilise la feuille de coca depuis sa création dans les années 1800, bien qu'aujourd'hui la cocaïne contenue dans la feuille de coca ait été remplacée par une dose plus importante de caféine, afin de maintenir l'effet « stimulant » du coca-cola.

 

Pourtant, dans les années 1970 des études ont démontré les vertus de cette feuille et que lors de la mastication le peu de cocaïne contenu serait entièrement détruit par le système digestif. En 1975 des chercheurs de Harvard ont démontré que la valeur nutritionnelle de la feuille de coca est comparable à celle d'aliments comme le quinoa, la cacahuète, le blé ou le maïs. Mais il a été démontré également que la coca contient plus de calcium que le lait, plus de fer que les épinards et autant de phosphore que le poisson. Selon les mêmes chercheurs de Harvard, la feuille de coca est abondante en sels minéraux, fibres et vitamines, pauvre en calories, et pourrait figurer parmi les meilleurs aliments du monde.

Dans les années 1990 l'OMS a mis en place un programme important de 4 années portant sur l'étude de la feuille de coca. Le rapport a mis en évidence les bienfaits pour la santé humaine de l'usage traditionnel de la feuille de coca et préconisait la réalisation de nouvelles recherches. Mais le rapport a fait scandale lors de la 48e Assemblée mondiale de la santé réunie à Genève en 1995. Accusant l'étude de « plaider pour la cocaïne en argumentant que l'utilisation de la feuille de coca ne produisait pas de dommages perceptibles sur la santé physique ou mentale » M. Neil A. Boyer, alors représentant des Etats-Unis auprès de l'OMS, a menacé de suspendre le soutien financier de son gouvernement si les conclusions du rapport étaient officiellement adoptées. Celui-ci a aussitôt été enterré.

 

Ces politiques internationales de condamnation et d'éradication de la feuille de la coca n'a en rien éradiqué la production de cocaïne. Au contraire elle n'a fait que créer des tensions fortes, assimilant narcotrafiquants et paysans. A la fin des 1990 de nouveaux microherbicides sont testés en dépit des risques d'atteinte à l'environnement et la santé humaine. A cette même période des affrontements se sont durcis entre les paysans et les forces militaires faisant de nombreux morts et blessés et emprisonnant des paysans. « Kawsachun coca, wanuchun yanquis ! », devenant le cri de guerre des petits producteurs : « Vive la coca, mort aux Yankees ! »

Pour M. Jorge Alvarado, responsable de la mission diplomatique bolivienne au Venezuela, l'explication est simple : « Maintenir des exigences en termes de réduction des cultures et prétendre que notre gouvernement aide la production de stupéfiants permet au gouvernement des Etats-Unis de continuer à intervenir politiquement dans nos affaires intérieures. »

 

Principales sources d'information :

http://fr.wikipedia.org

http://www.monde-diplomatique.fr

 

Autres sites de références :

www.vincetmanu.com

www.oxfamsol.be

http://risal.collectifs.net

http://lafeuilledecocacontroverse.wordpress.com

 

Publié dans Bolivie

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D
Salut Julien,Une fois de plus, j'aurais encore appris quelque chose aujourd'hui.Très intéressant encore une fois ton article. Merci A+ Julien
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J
Bonjour Julien,Nous avons beaucoup aimé suivre ton voyage et tes articles qui sont toujours très interessants.Nous voyons que tu ne reviens pas, ça y est, tu as bien accroché avec l'Amérique du Sud, attention, il n'y a pas de remèdes contre ça....Bisous baveux de Catalogne
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B
Bonjour Julien ,Par le journal deux sévrien , je viens de prendre aujourd'hui connaissance de ton périple , de la visite de tes parents . et de ton blog de voyage j'ai parcouru les photos de ton voyage en espagne , Brésil ,Paraguay, tu nous fait bien rêver .....loin de Trémont !!!!!!!la barbe et les cheveux ont bien poussé !!!! Poursuis ta route  si riche en rencontres , en découvertes GROS BISOUS Annie  et William
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J
<br /> WILLIAM BIDART!!!!! Alors ça c'est une tres bonne surprise que de pouvoir te lire!!!!! Merci pour ce message!!! Je n'ai pas regarde si tu es inscrit à la news lettre mais si ce n'est pas le cas<br /> dépêche toi!!! Lorsque je redige un article sur le blog chaue inscrit reçoit directement l'inforñation sur sa boite mail. Pas plus pas moins. Pas de pub....<br /> Et comment va Tremont!!?? La colloc existe toujours? Avec des modifications je suppose!! Je ne manquerai pas de venir faire un tour a Tremont de toute façon a mon retour histoire de partager une<br /> petite biere et discuter du voyage!! N'hesite pas a apporter tes mesages et remarques sur le blog.<br /> <br /> Merci encore pour ce message qui fait bien plaisir!!<br /> <br /> Bisous à toute la famille.<br /> Julien<br /> <br /> <br />