En soit partagé

Publié le par Julien

D’Arica, dans le nord du Chili, à Valdivia, 3 mois auront été une nouvelle fois riche de rencontre mais en me laissant perplexe, en soit partagé.

 

D’un point de vue humain, j’affirmerai, sans faire de généralité, que la campagne est un berceau de l’accueil. La ville reste une masse d’individualité dans laquelle, cherchant bien, vous rencontrerez quelques âmes révoltés de ce modèle consumériste.

Que se soit à Putré, dans la région d’Arica, à Alto del Carmen dans la vallée de Huasco, ou plus au sud de Santiago, à Mélipeuco et Villarrica, ces familles chiliennes, la plupart paysannes, m’ont ouvert leur porte. Mais les différents contacts ici m’ont apporté un autre regard. La société Chilienne, selon mes repères, s’européanise. S’il devait y avoir une comparaison entre les 5 pays visités jusqu’à présent, celui-ci est réellement marqué par cette occidentalisation. Qu’elle soit voulue ou subie, elle présente des caractéristique très forte, dans les tenues vestimentaires, le rythme de vie, les aspirations matérialistes, la disparition de vie communautaire… Vous m’excuserez l’affirmation des propos qui suivront, ils ne sont que l’expression de mon ressenti, mais le Chili m’a montré un visage en perte d’identité, de cultures. Je ne parle pas ici de la culture artistique mais de la culture identitaire, si forte dans les autres pays. Le peuple Mapuche est l’exemple de ceux ayant subit ce lessivage culturel. Aujourd’hui encore de nombreuses familles dénigrent leur propre culture… Les jeunes, en grande partie, aspire au développement économique et au chemin emprunté par leurs parents, un chemin que bien souvent ils  ont été obligés de suivre.

 

Au niveau agricole et rural, j’ai ressentis, là où je suis allé, une pauvreté matérialiste plus faible que ce que j’ai pu voir jusqu’ici. Seulement, selon certains discours, il n’existe pas de développement soutenable dans le futur. Trop de familles vivent, ou survivent, grâce aux subsides de l’Etat. Des subsides qui sont une aide bien entendu mais qui, par les discussions entretenues durant ces 3 mois, apparaissent comme une politique de paternalisme, ne permettant pas aux personnes de vivre dignement, mais dépendante de l’Etat.

Comme en tout point du globe maintenant, l’agriculture chilienne s’est intensifiée. Il existe très peu de produits certifiés Bio. Il n’existe pas, ou plutôt il n’existait pas, de politique sur ce sujet. Depuis peu, le gouvernement à mis en place une loi, des normes et une réglementation sur la production et la vente de produits Bio sur le territoire chilien. Bien sur des producteurs et des coopératives travaillaient déjà pour l’exportation de produits Bio suivant les normes internationales et certifiant leurs produits par un organisme international reconnu. Je n’ai trouvé au Chili que très peu de projet alternatif à l’agriculture conventionnelle. J’ai même appris que l’ex-président Eduardo Frei (qui sera peut-être élu de nouveau en janvier prochain) avait signé au cours de son mandat l’accord permettant la culture d’Organismes Génétiquement Modifiés sur le territoire.

La production la plus importante au Chili sont les fruits (pommes, abricots, raisins, pêche…) destinée en grande partie à l’exportation. C’est pourquoi, notamment, il existe ce que j’appellerai « un protectionnisme » agricole à la frontière chilienne. Le SAG (Servicio Agricola y Ganadero) présent à chaque frontière du pays, contrôle et interdit l’entrée dans le pays de fruits, viande, fromage, plantes… (hors échanges commerciaux réglementé) Des panneaux vous indiquent même que le Chili est « Libre de la Mosca de la Fruta ». S’il est découvert au Chili, dans quelque région que se soit, la mouche du fruit, la zone est entièrement évacuée et fumigée.

Au nord du pays la principale production du pays est la tomate, bien souvent hydroponique, l’olive (pour la vente et l’huile) et l’ail. La tomate d’Arica, sans saveur, est produite pratiquement toute l’année, de part le climat local et les techniques industrielles. Cela offre des prix de terrain pour certains à plus de 10 millions de pesos Chiliens l’hectare (entre 12 et 13000 euros) De la zone d’Arica à celle de Vallenar, il n’y a pas ou très peu de production, l’activité minière et le désert d’Atacama oblige ! Lorsque l’on s’approche de Vallenar, quelques vallées vertes se découvrent. Ici la production importante est le raisin de table pour l’exportation, avec son utilisation démesurée de pesticides, fongicides et autres hormones. A Vallenar, il y a également la culture du raisin pour le fameux Pisco, alcool de raisin que l’on trouve au Pérou et Chili, alors quel est le meilleur ?

Continuant le chemin vers Santiago, la zone de La Serena est l’une des plus importantes en matière de vin Chilien, que l’on retrouve maintenant un peu partout dans le monde. Un cépage oublié, ou plutôt disparu en Europe suite à le phylloxéra, est présent au Chili et tant à prendre une place importante, il s’agit du Carmenere (je ne suis pas sur de l’orthographe). Plus proche de Santiago s’est développée de façon considérable la production d’avocatier, déboisant bien souvent pour se faire ! Au sud de Santiago l’exploitation forestière à fait de grands dégâts environnementaux et agricoles. Environnementaux car détruisant les espèces natives pour ne planter que des pins et eucalyptus, au rendement plus intéressant pour l’exportation. Au niveau agricole car de nombreux paysans vivaient notamment de la cueillette, de la transformation et de la vente des pignons de l’Araucaria. Encore une fois, se sont les peuples indigènes qui pâtissent d’une activité économique insouciante des dégâts sociaux et environnementaux qu’elles provoquent, et ne laissant que très peu de dividende au  pays ! De Santiago à la Puerto Montt, on trouve une diversité de la production entre l’élevage, le maraichage et les fruits.

Dans ce processus d’occidentalisation, le Chili a éliminé peu à peu la biodiversité agricole originelle. Seul Chiloé, à ma connaissance, maintien la culture de plus de 200 variétés de pomme de terre ainsi que l’aï dont la tête est 4 ou 5 fois plus grosse que celle produite en France !

 

De part sa géographie, ses 5000 km de côte et ses nombreux lacs, la pêche est très fréquente et représente une activité économique importante, pour le commerce national, l’exportation mais aussi le tourisme, part la pratique de la pêche sportive notamment. Seulement là encore de grandes entreprises se jouent de l’économie locale et se sont appropriées terrains, cours d’eau et espace maritime pour la production industrielle de saumon, entre autre. Ces entrepreneurs, pour beaucoup européens (et principalement de la Norvège) contaminent les rivières, les espèces naturellement présentes et les mollusques et tuent, petit à petit, la pêche artisanale.

 

 

C’est tout cela le Chili, ou plutôt le Chili que j’ai découvert. Une diversité de l’alimentation comme les empanadas, le cochayuyo (algue marine séchée et cuisinée) le merken (Aji moulu et sel) les avocats (en abondance en pleine saison !) Une population bien souvent accueillante, n’hésitant pas à vous prendre en stop pour un bout de voyage, vous inviter chez elle pour une nuit. Mais c’est aussi l’industrialisation abusive de sa société et son agriculture, tellement forte qu’elle laisse déjà de côté les plus faibles, économiquement.

En soit partagé…

Publié dans Chili

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