Sur fonde de crise

Publié le par Julien

Avant mon arrivée au Pérou j’avais pu lire sur le site internet de rue 89 (voir l’article sur www.rue89.com) les évènements tragique du 5 juin survenue à Bagua dans le Nord-est du pays, département de Amazonias. Cet évènement aura coûté la vie à de nombreux paysans et policiers lors d’affrontements.

 

Ce que j’avais compris en lisant cette article n’était pour moi que la répétition dramatique d’un gouvernement et d’une économie capitaliste (ou d’une économie gouvernementale) incapable de respecter les droits des peuples et de leur environnement. Le 5 juin fû la démonstration de ce que l’on nomme raisonnablement « l’ordre » mais qui n’est que l’image totalitariste d’un gouvernement.

 

Cela s’explique à la découverte chronologique des faits. Avant cette date, 11 mois de manifestation et de blocage auront empêché le gouvernement péruvien et les entreprises transnationales de mener à bien leur projet.

Le 28 juin 2008, le gouvernement péruvien a dicté 102 décrets allant, selon certains journaux, beaucoup plus loin que le TLC avec les Etats-Unis (Traité de libre échange économique) Selon la revue « Alerta Péru » 10 des 102 décrets concernent directement la « Selva » Péruvienne (Territoire Amazonien situé près de la frontière avec le Brésil)  sans en avoir consulté les populations. En août 2008, les populations indigènes ont débuté les blocages des voies de communication. La AIDESEP (Asociacion Interétnica de Desarollo de la Selva Peruana) a alors entamé un dialogue avec le gouvernement qui a ensuite abrogé 2 des 10 décrets qui facilitaient la vente des terres communautaires. Une commission Multi-Paritaire fur installé afin d’analyser les décrets. En décembre 2008, dans son rapport, elle mentionnait que « tous les décrets violent la constitution et l’accord 169 de l’OIT (Organisation internationale du Travail - voir l'article sur la convention 169 sur www.pro169.org) et que, par conséquent, ils doivent-être abrogés » Malgré la promesse du président du Congrès de discuter du rapport le 1er février 2009, en avril rien n’était fait. C’est pourquoi, le 9 avril 2009, les peuples indigènes ont organisé le 2ème blocage en Amazonie. Le 20 avril, le 1er ministre, Yehude Simon, promettait l’organisation d’une table de dialogue avec les représentants indigènes. Seulement plus d’un mois sa parole n’était pas respectée, malgré une nouvelle rencontre entre Yehude Simon et l’AIDESEP. Le 15 mai, les dirigeants de cette association se déclarait en « Etat d’Urgence » mais se rétractait le lendemain pour affirmer qu’ils continueraient la lutte la lutte par voie démocratique.

Le 18 mai, le président du Conseil des Ministres donnait l’ordre de dénoncer pénalement Alberto Pizango, président de l’AIDESEP, pour sédition. Le lendemain, la commission de la Constitution discutait le rapport de la commission Multiparitaire remis en Décembre. La commission de la Constitution a décidé ce jour même d’abroger un des 10 décrets concernant les peuples indigènes mais sans adopter l’abrogation en séance plénière !!! Le 27 mai le pouvoir Exécutif et l’AIDESEP ont organisé la table de dialogue. Le 5 juin survenait les évènements relatés précédemment et le 9 juin Alberto Pizango était accusé par le gouvernement d’être coupable des morts de Bagua. Il a obtenu l’asile au Nicaragua les jours succédant. Le 11 juin, une journée nationale a mobilisé de dizaines de milliers de personnes en soutient aux peuples indigènes. Le 18 juin, le congrès approuva définitivement l’abrogation de 2 décrets.

 

Ce que je verrai ici c’est la possibilité des peuples à se réunir, s’organiser et faire entendre leur voix. Mais cela n’est pas fini pour autant. Récemment, le 1er ministre Yehude Simon a été démis de ses fonctions et Alberto Pizango est toujours sous le coup d’une arrestation et reste réfugié au Nicaragua. Seulement, les paysans n’ont pas entamé directement la lutte contre les policiers. L’attaque est venue des forces de police sans savoir qui aujourd’hui en a donné l’ordre. Il y a quelques semaines, Yehude Simon avouait devant le Congrès « ne pas savoir qui avait donné cet ordre ». Mais, selon le journal « La Nacion » seul 3 personnes peuvent en donner l’ordre, le Président de la République, Le Premier Ministre et la Ministre de l’Intérieur Mercedes Cabanillas aujourd’hui démise également de son fonction. De plus, selon le journal « La Primera » le gouvernement tenterait, par l’intermédiaire d’ancien responsable de l’AIDESEP, de manipuler cette association de l’intérieur

 

Pour autant peut-on parler de crise sociale ? N’est-ce pas simplement la manifestation et l’expression des populations face au dénigrement de leur droit ? N’est-ce pas l’affrontement entre ce que l’on veut nommer « une manière alternative » du bien vivre et un développement capitaliste et libéraliste ? Un paysan dans la revue « Alerta Péru » disait ceci : « Dans le monde occidental, le développement c’est avoir des revenus économiques forts. Le développement pour les peuples indigènes est le « bien vivre » Le monde occidental dit que les nous les indigènes nous devons nous baser sur leur culture et que si nous ne cherchons pas ceci alors nous sommes pauvres. Mais la pauvreté nous la rencontrons également en ville. Ici on ne voit pas ou peu la présence de l’Etat mais les gens ont un esprit ouvert et, sans avoir étudié, nous sommes conscientisés à l’utilisation des ressources forestières ». Dans cette même revue le Bien vivre » est définit comme : « Une manière alternative de comprendre le « développement. Pour le monde occidental, « Développement » c’est accumuler des richesses et des commodités (…) Mais le « Bien vivre » c’est une relation harmonique dans laquelle chaque individu et chaque peuple a le nécessaire pour vivre dignement sans affecter la nature.

 

Certains simplifieront intellectuellement ces raisonnements par le refus d’un retour en arrière. Mais qui peut justifier dans ces lignes un tel message ? Il s’agit simplement d’une remise en cause d’un système individuel au service du plus petit nombre. Refuser cette vision et maintenir ce système c’est entretenir le néo-colonialisme économique.

Publié dans Pérou

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