Portraits
Deux rencontres en cette fin de visite au Paraguay et deux portraits différents, dans leur démarche. Mais deux personnes portant des projets à dimensions sociales et culturelles.
Bernardo Aguero. Personnage particulier. Rencontré alors que je visitais Caacupé, près du Lac Ypacarai. Je me suis arrêté ce jour là banalement à la terrasse d'un Copetin (petit restaurant) prendre un Terere. Je crois qu'il n'y a pas de hasard mais des destins. Cette fois-ci il m'a poussé ici, à la rencontre de Bernardo, de Katy et de leur famille. Ce qui devait s'avérer être une pause « rafraîchissante » à durée toute une après-midi. Nous avons discuté ensemble de mon voyage et du projet, ils m'ont fait part alors de leur projet.
Bernardo est apiculteur et se dédie à la création de reine et d'essaim pour la vente. Il loue ainsi ses services à ceux qui désirent implanter des ruches sur leur propriété. Bernardo tente chaque fois de pousser ces futurs apiculteurs à la production de miel organique. Cette activité professionnelle l'a amené au poste de président de l'association des apiculteurs du Paraguay. Avec celle-ci, ils tentent de mettre en place un projet de développement de la production de miel à destination des petits paysans.
Il y a dans cette démarche une vision sociale (Bernardo étant éducateur social à l'origine) afin de valoriser le travail de ces paysans, par une vente directe notamment, mais également en leur redonnant leur position sociale sur leur territoire, (re)devenant des acteurs économiques et de vie de milieu rural qui se désertifie au Paraguay.
Merci à Bernardo, Katy et leur famille de cet accueil durant plus d'une semaine malgré les quelques difficultés qu'ils connaissent actuellement !
Second personnage, Humberto Prieto et l'activité familiale « Molinos Ysapy » Rencontre un peu particulière dans le cadre du projet « Paysans du Monde » car il ne s'agit pas là d'un projet agricole ni rural. Humberto vit et travail avec une bonne partie de sa famille à Caaguazu, ville de près de 100 000 hab. entre Asuncion et Ciudad del Este. Mais son projet possède une dimension particulière, ou l'argent n'est pas le combustible essentiel qui alimente chaque leur envie et leurs conviction.
L'histoire de cette activité remonte à la fin des années 80. Les parents d'Humberto connaissaient alors une période difficile, très peu de travail et peu d'argent. Sa mère a alors décidé d'investir dans un moulin afin de vendre de la farine de mais, très consommé dans l'alimentation Paraguayenne (pour la Sopa Paraguayenne, la chipa guazu et autres chipa...) Dans ce même temps Humberto était partie au Brésil travailler 4 années avec le réseau MST (Mouvement des Sans Terre) De cette expérience il explique sa rencontre avec des hommes et de femmes défendant leur culture agricole et culturelle. Pour lui se fut une rencontre avec sa propre culture paraguayenne et la nécessité de la valoriser et de la préserver. De retour chez lui il a donc décidé de s'investir dans cette petite activité et de la développer avec toute sa famille en la diversifiant par la vente d'une cuisine typique paraguayenne. « Molinos Ysapy » se base sur 3 grands objectifs que sont :
- Faire du travail avant tout un épanouissement personnel et professionnel, pour sa propre connaissance
- Permettre par cette activité de vivre et travailler avec sa famille
- Défendre et valoriser, par la cuisine, la culture et paraguayenne
Ensemble il ne parle que Guarani et ils sont maintenant 10 personnes à travailler et vivre de cette activité.
Humberto connaît sa culture et ses fondements, même si pour lui il a besoin d'apprendre et de comprendre un peu plus encore son histoire et l'histoire de son pays. Mais il s'est vous expliqué certains fondements, comme la construction de certains mots de la langue Guarani. Ils se construisent à partir de la lettre Y qui en Guarani signifie « eau » car culturellement le Guarani se considère comme partie intégrante de la nature et non à l'extérieur ni au dessus. La notion de temps est différente également. Pour Humberto, les paraguayen n'ont pas le souci de connaître ni de se souvenir du passé, sans envisager le futur. La vie se réalise un peu plus au jour le jour. Cela peut perturber notre compréhension lorsque nous venons d'un monde ou la projection professionnelle est souvent primordiale. De fait, parler avec certains français ici vous montre la « barrière » culturelle. Comment comprendre que pour des indigènes les notions « économiser » ou « se projeter » n'ont pas d'importance, lorsque l'argent lorsqu'il est présent est fait pour être dépensé.
Humberto s'est aussi qu'aujourd'hui le Paraguay « s'américanise » avec un accroissement de la consommation et de la perte de cette identité dans les populations jeunes et certainement à venir.
Ces deux portraits pourraient également faire une analyse un peu plus critique. Notamment sur la notion et la question de production organique pour Bernardo, entre conviction et développement de marché. De même pour Humberto et l'activité « Molinos Ysany » sur la densité du travail, du lundi au lundi, et du fait de la condition de salariat.
Mais c'est projets ont le mérite d'exister, ils sont récent et s'autoréguleront je le pense. Il n'y a pas de « détournement » de valeurs chez ces deux hommes pour ne pas croire à leur honnêteté et leur sincérité.
