Arena y Esteras

Publié le par Julien

Arrivée au Pérou depuis le 12 juin, je ne pensais pas y faire cette double rencontre Franco-Péruvienne. Double par la présence d’un groupe de jeunes de la région Nantaise ! Un nouvel échange particulier, situé en zone urbaine ou l’art et l’échange culturel sont vécus comme vecteur de sensibilisation, d’ouverture et de conscientisation sociale.

 

     

 

Fin juillet, les différents contacts établis m’ont amené à Villa El Salvador, comme bénévole au « IV Festicirco » de l’association « Arena y Esteras » Ce choix pourrait-être perçu comme un écart sur le chemin parcouru jusqu’ici à la rencontre des paysans, mais il n’en ait rien. Ce choix je le revendique à travers le projet associatif et les actions menées par « Arena y Esteras » En effet cette association porte l’art, par le cirque, le théâtre, la danse… comme un outil développement social, de conscientisation des populations pour un devoir de mémoire.

 

 

Villa El Salvador a une histoire particulière. Située en périphérie de Lima, il ne s’agissait que d’une aire désertique sableuse avant l’arrivée des premiers immigrants venus de la Sierra Péruvienne. Créée sur un projet politique socialiste, elle se compose de secteur, lot et groupe ayant chacun leur zone de loisirs, système éducatif et communautaire, organisés et gérés par des responsables élus. A l’origine, une zone agricole et industrielle devait permettre l’autonomie de Villa El Salvador. L’histoire politique Péruvienne et locale fait qu’aujourd’hui ce système ne fonctionne pas comme il était pensé.

 

« Arena y Esteras » est née il y a 18 ans dans ce contexte politique difficile de la fin des années 1980, suite à l’assassinat de Maria Elena Moyano, femme reconnue et aimée par la population pour son activisme dans les mouvements féministes et ses revendications et critiques publiques envers les dérives et le génocide attribué au mouvement « Senderos Luminosos » (Sentiers Lumineux) Cette mort a entrainé les habitants de Villa El Salvador dans la peur et la tristesse. C’est pourquoi un groupe de jeunes adolescents s’est alors organisé afin de redonner espoir et joie de vivre. Ana Sofia, fondatrice et directrice de l’association explique que « le terrorisme te supprime tous les droits fondamentaux mais il ne peut t’enlever celui de rire. » Le cirque, le théâtre… sont ici un outil au service de cette envie de vivre, de retrouver l’espoir et de se projeter vers un futur meilleur.

 

      

 

Au delà de la réalisation artistique je fus interpelé par l’approche sociale d’Arena y Esteras. La création artistique n’est pas ici une fin en soit. Tout en maintenant le professionnalisme, ils utilisent l’art comme un outil de sensibilisation, de devoir de mémoire et de projection sociale. J’ai pu rencontrer et discuter avec des jeunes qui, part la pratique du cirque, du théâtre… ont un regard différent sur leur rôle et la possibilité de leurs actes en tant que citoyen. L’exemple de Pamela qui a intégré l’association à l’âge de 12 ans ne peut que confirmer ce ressentit lorsqu’elle dit : « Ce que j’ai appris ici en 1er c’est à rêver et rêver te permet d’avancer, de vouloir atteindre ce rêve ! » L’impact sur leur vie est également social. Pamela livre avec émotion ce qu’à pu lui permettre cette pratique : « A une période mes parents avaient des soucis financiers et familiaux important. Mon père a alors commencé à boire, mes frères lui manquaient de respect et je voyais mes petites sœurs victimes de cette violence familiale. J’ai alors décidé de parler, d’exprimer à mes parents mon ressentit et j’ai provoqué une réunion familiale pour que l’on puisse discuter ensemble et retrouver une sérénité et joie de vivre. Aujourd’hui mes parents ont un réel projet professionnel et l’un de mes frères reprend ses études. »

 

Depuis maintenant 18 ans Arena y Esteras défend la culture péruvienne et souhaite interpeler les populations sur l’histoire et mais également le présent. Elle provoque, par diverses rencontres, des ponts culturels, notamment avec Rezé, près de Nantes et l’association Laisse Tes Balles présente cette année à Villa El Salvador. Cette jeune troupe française fut une des bonnes surprises de ce voyage avec l’envie de se revoir et d’échanger sur nos projets communs. Des liens de fraternités Franco-Péruvien générés par une même motivation, celle du partage et de l’amitié. La petite histoire vécue ici m’aura menée là ou jamais je ne l’aurais imaginé, être présentateur d’une soirée de cirque…

 

 

L’Art est selon moi utilisé dans son sens le plus noble, celui de la création par et pour les populations locale. J’y ai trouvé ici des « paysans-troubadours » qui chaque année porte le cirque dans les communautés paysannes afin là aussi de leur permettre de rêver… 

Ce projet de déplacer le cirque directement au sein des communautés paysannes s’est initiées il y a plus de 5 ans maintenant. Son principe est simple, partir 2 semaines ou plus afin de vivre avec les familles, réaliser des ateliers avec les enfants et permettre aux jeunes « d’Arena y Esteras » de découvrir la culture de ces communautés. Ces mêmes jeunes découvrent en discutant avec ces paysans le terrorisme vécue dans ces campagnes, mené par les « Sentiers Lumineux » et le génocide humain commis jusqu’au début des années 90.

 

 

 

 

Un projet ou chacun donne mais reçoit beaucoup, basé sur la solidarité et le respect mais avant tout la compréhension de l’histoire et la motivation d’un futur meilleur pour tous.

 

 

 

Lien vers le site d’Arena y Esteras : www.arenayesteras.org

Lien vers le site de l’Association Laisse Tes Balles : http://assoltb.free.fr/

Ecouter les interviews de Ana Sofia et Pamela de l'association Arena y Esteras (en Espagnol)

Publié dans Pérou

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